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L’interview de Jean Dubuffet

Saviez-vous que Dubuffet n'avait pas de réduction chez Ikea ?

Photo Dubuffet, personnages historiques célèbres, lieux d'histoire, biographie, secret d histoire
Il prend sacrément bien la pause... - Portrait de Jean Dubuffet, 1960 - DR

Roger(S) : Salut Jean, tu veux bien te présenter ?

Jean : Oui, moi c’est Jean Dubuffet. Je suis né le 31 juillet 1901 au Havre.


Roger(S) : Ah, un normand… Tu connais quand même un peu Paris ?

Jean : Bien sûr ! Ma première grande expo s’est faite Place Vendôme, j’ai aussi fait un passage rapide dans le 2ème pour les études…


Roger(S) : Ah oui, pourquoi rapide ?

Jean : En fait j’ai passé à peu près 6 mois à l’Académie Julian, vous savez cette école d’artistes assez prestigieuse… J’y ai d’ailleurs croisé Raoul Dufy et Fernand Léger, deux peintres de renom. Mais cet académisme n’était pas fait pour moi. J’avais déjà tenté les Beaux-Arts au Havre avant de reprendre le négoce de vin de mes parents mais ça n’avait pas été très concluant… Le milieu artistique avec tous ses codes élitistes m’a beaucoup déçu.


Roger(S) : Mais alors comment on passe de commercial dans le vin à artiste ?

Jean : Oh et bien assez lentement il faut croire…. Vous savez, ce n’est qu’à 40 ans que je me lance vraiment dans le monde de l’art. J’ai fini par comprendre que j’avais le droit d’exprimer mon côté artistique comme je l’entendais, loin des conventions, et qu’aucune connaissance spécifique n’était nécessaire à l’art. En fait bien au contraire j’ai voulu libérer l’art de toutes ses références complexes et casser les codes. J’ai toujours dit « je ne me considère pas comme un professionnel, je me considère comme un amateur. J’entends le rester. »


Roger(S) : Dis donc, c’était plutôt anticonformiste de s’imposer dans le monde de l’art en tant qu’amateur à l’époque…

Jean : Anticonformiste, révolutionnaire, contestataire, on m’a qualifié de bien des façons… Au final en faisant les choses comme j’en avais envie, j’ai créé un mouvement artistique aujourd’hui reconnu : l’Art brut. Un mouvement qui ne s’intéresse ni à la beauté ni à l’art mais à la créativité. Il s’agit de réaliser des ouvrages spontanés, « à l’abri de toute influence ». J’en avais marre du Cubisme et du Surréalisme qui n’évoluaient plus. Pour moi l’art se doit d’être subversif et provocateur.


Il doit pas être à Paris ce métro, les gens sourient trop... - Le Métro, Jean Dubuffet
Ils ont un drôle d'uniforme ces gardes du corps... - Gardes du corps, Jean Dubuffet

Roger(S) : Ah mais oui, on a fait un article sur l’Art brut. Mais c’est un peu l’art des fous, non ?

Jean : Oui on l’appelle aussi comme ça. C’est vrai que les œuvres issues des asiles m’ont beaucoup inspiré. J’avais lu un livre de Prinzhorn, un collectionneur spécialisé dans les œuvres de fous et d’asociaux, qui m’avait déjà interpelé. Pour moi l’art est là où on ne l’attend pas. J’ai trouvé très intéressant de se pencher sur les œuvres provenant des hôpitaux psychiatriques plutôt que celles que l’on trouve dans les musées.


Roger(S) : Pourtant maintenant on trouve tes œuvres dans les musées, ça ne te dérange pas ?

Jean : Oui je suis au courant. J’ai moi-même fait don de 25 toiles et 150 dessins au Musée des Arts Décoratifs, aujourd’hui appelé le MAD. Il faut dire que j’entretenais de très bonnes relations avec François Mathey, le directeur de l’époque. Mais trouver des peintures et des dessins dans ce musée, c’est un peu contrintuitif donc ça reste dans ma logique d’art imprévisible. Et puis ce n’est pas la seule chose sur laquelle on peut me reprocher d’être contradictoire de toute façon…


Roger(S) : Ah oui ? Tu es du genre à changer d’avis toutes les deux minutes ? On connait bien ça nous aussi avec des masques inutiles le lundi, obligatoires le mercredi, un vaccin recommandé le mardi et interdit le jeudi… Ça doit être un trait de caractère très français…

Jean : C’est vrai qu’en termes de contradictions, vous avez été servis en 2020… De mon côté, disons que je considérais qu’il n’y avait pas d’artiste mais des hommes du commun qui ne devaient pas travailler pour la reconnaissance mais pour eux-mêmes. Et en même temps j’avais la côte et me faisais pas mal d’argent sur la vente de mes ouvrages… Du coup on pourrait y voir une contradiction. En même temps ce n’est pas de ma faute si mon travail plaisait à ce point. Je suis l’un des artistes majeurs du XXème siècle, sans vouloir me vanter.


Roger(S) : Pas mal… Mais c’était quoi ce style si populaire alors ?

Jean : Je suis surtout connu pour le « Hourloupe », une série de travaux que j’ai réalisés entre 1962 et 1974 qui reprennent un peu la même identité graphique si on peut dire…


Roger(S) : Euh… Ok, mais c’est quoi ça ?

Jean : Oui c’est vrai que ça ne parle pas forcément… En fait c’est un style que j’ai inventé assez spontanément, comme le veut l’Art brut. J’étais au téléphone et je gribouillais sur un cahier avec un stylo bille rouge. A la fin du coup de fil j’ai trouvé le résultat très prometteur et j’ai commencé à transposer ces formes dans mes œuvres. Elles sont devenues si présentes que c’est presque ma signature.

Y a bien une petite ressemblance avec l'original, mais ça n'a pas l'air de lui plaire... - Autoportrait II, Dubuffet
On ne sait pas si c'est le côté dimanche ou le côté urbain mais y a un truc qui ne colle pas... - Dimanche urbain, Dubuffet

Roger(S) : Super, mais si on ne visualise toujours pas ce que ça donne ?

Jean : Vous pouvez retrouver le Hourloupe dans une grande partie de mes œuvres. Sur mes toiles bien sûr avec mon Autoportrait II par exemple ou le Dimanche urbain, mais vous pouvez également le découvrir sur de nombreuses sculptures comme Nini la minaude ou Le verre d’eau II.


Roger(S) : Ah mais oui, c’est vrai que tu as fait de la sculpture aussi…

Jean : Oui et pas qu’un peu ! Je me suis tourné vers la sculpture à partir des années 60. J’ai fait des sculptures assez grandes comme le Bel costumé, qui a d’ailleurs bizarrement disparu des Tuileries. Mais j’ai surtout deux sculptures monumentales à mon actif comme la Tour aux figures que vous pouvez voir à Issy-les-Moulineaux. Mais l’une de mes plus grandes fiertés c’est la closerie Falbala. Cette œuvre monumentale installée à Périgny dans le Val-de-Marne était un projet un peu fou, digne de moi… Cette villa de huit mètres de haut et vingt mètres de large a demandé deux ans de travaux. 1600 mètres carrés de sanctuaire, c’est plutôt confortable…


Roger(S) : En région parisienne c’est carrément un palace ! Et du coup te résides là-bas maintenant ?

Jean : Oh vous savez je suis mort le 12 mai 1985 à Paris mais depuis je me repose dans le Pas-de-Calais à Tubersent.


Roger(S) : D’accord et bien on va te laisser retourner à ton repos bien mérité dans ce cas. Merci d’être venu répondre à nos questions.







Copyrights :

Métro, Dubuffet, 1943 - Fondation Jean Dubuffet DR

Gardes du corps, Dubuffet, 1943 - Fondation Jean Dubuffet DR

Autoportrait II, Dubuffet, 1966 - Fondation Jean Dubuffet DR

Dimanche urbain, Dubuffet, 1967 - Fondation Jean Dubuffet DR

Tour aux figures, Dubuffet, 1985-88 - Fondation Jean Dubuffet DR

Closerie Falbala, Dubuffet - Fondation Jean Dubuffet DR

Bel costumé, Dubuffet, 1998 - Fondation Jean Dubuffet DR

Nini la minaude, Dubuffet, 1973 - Fondation Jean Dubuffet DR

Le verre d'eau II, Dubuffet, 1966 - Fondation Jean Dubuffet DR

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