Avant de vous livrer tous les secrets de cette œuvre, il faut faire un peu d’Histoire pour la remettre dans son contexte. Et oui, on ne peut pas toujours y couper… Parfois une toile ne se comprend que si l’on connait les événements qu’elle relate.
La Guerre civile fait rage en Espagne depuis 1936. C’est dans ce contexte un peu chaotique que la République espagnole demande à Picasso de réaliser une œuvre pour le pavillon d’Espagne de l’Exposition Universelle prévue à Paris. Mais l’artiste a du mal à trouver l’inspiration, jusqu’au massacre de Guernica.
Le 26 avril 1937, les forces allemandes et italiennes bombardent cette petite ville basque et tuent ainsi plus de 1500 personnes sans défense au nom du Général Franco, le dictateur aux commandes de l’Espagne. C’est ce tragique événement qui va inspirer Picasso pour sa toile aux dimensions hors normes, 8 mètres sur 3, comme un cri de colère contre tous ces régimes dictatoriaux. Il parait même que lorsqu’un ambassadeur nazi demande à l’artiste si c’est lui qui a fait ça, il répond « Non, vous… ».
Même si Picasso a toujours refusé de se voir comme un artiste engagé, il se positionne clairement en faveur de la démocratie avec cette œuvre et va même jusqu’à refuser qu’elle aille en Espagne tant que son pays sera gouverné par un dictateur. Guernica ne retourne donc dans sa patrie qu’en 1981, à la mort de Franco, et ne quittera plus jamais Madrid. Elle est exposée au Musée Reina Sofia.
Maintenant que le contexte est un peu plus clair, analysons les détails du tableau.
Une ampoule en guise de bombe
Picasso n’est pas trop du genre à représenter les choses de façon réaliste. Hors de question de placer une bombe au centre de son œuvre. Le bombardement est donc symbolisé par une ampoule entourée de pics et d’un halo lumineux qui représentent les flammes des bombes incendiaires.
Le taureau comme symbole de bestialité
L’artiste représente un taureau avec des yeux humains. Celui-ci symbolise le duel entre bestialité et humanité : la bestialité de cette attaque et l’humanité qui en souffre. Le taureau peut également être vu comme un symbole de l’Espagne nationaliste. Ben oui, la corrida, les toréadors, tout ça, tout ça quoi…
Une colombe de la paix en voie de disparition
Presque invisible, la colombe semble s’effacer de la toile. Symbole de paix, ce n’est pas par hasard que Picasso choisit de dessiner une colombe sans la mettre en évidence. En même temps, quand on est un artiste du niveau de Picasso, on fait rarement les choses par hasard… Il montre ainsi une paix qui s’efface dans le monde.
Des victimes impuissantes et choquées
Impossible de parler du massacre de Guernica sans représenter les victimes. La douleur est palpable. D’abord le cheval, positionné au centre du tableau, il attire immédiatement l’œil. Transpercé par une flèche, il semble hurler de douleur. L’homme à l’épée, le seul homme de la toile, est démembré, son épée est brisée, il symbolise une volonté de résistance et une impuissance certaine. Enfin les femmes sont représentées les yeux révulsés, poussant des cris, tenant un bébé, brûlant dans les flammes ou errant dans les décombres, elles symbolisent toute la barbarie de cette tuerie. Bon, on n’avait pas promis un descriptif joyeux…
Une lueur d’espoir
Nous n’allions pas vous laisser sur des notes si négatives… La petite fleur qui pousse près de l’épée et la bougie tenue par une femme qui semble passer la tête depuis l’extérieur de la scène pourraient bien être des symboles d’espoir. Ouf, tout n’est pas perdu…
Une œuvre surréaliste ?
Si le Cubisme de cette toile est plutôt évident avec les représentations des figures mêlant profil et face et les formes géométriques, ce n’est pas le seul mouvement artistique reconnaissable. Picasso n’a jamais été surréaliste, en tout cas rien n’a été officialisé, mais les visages cauchemardesques et la symbolique des différents éléments de l’œuvre pourraient se rattacher au mouvement Surréaliste.
Copyrights :
Guernica, Pablo Picasso, 1937 © Succession Pablo Picasso VEGAP 2017